Fouilles à Montréal de Sos
8H 45 au clocher du village d’Olbier: le temps est incertain, une brume épaisse enveloppe les sommets. Pourtant, un coin de ciel au dessus de la tour du Campanal laisse augurer d’une journée ensoleillée.
Les mules de Jean-Luc sont prêtes à reprendre leur va-et-vient quotidien pour nettoyer le site des cailloux, gravats et monceaux de terre dégagés par les fouilleurs.
Les fouilleurs ? Ils arrivent en rangs plutôt dispersés, Flo amène dans un minibus un groupe de jeunes encore embués d’un sommeil que la courte nuit passée sous les tentes du camping d’Auzat n’est pas parvenue à enrayer. D’autres arrivent par leurs propres moyens des villages alentours.
L’énergie de Flo est communicative, chacun prend dans son sac à dos le matériel et les vivres qu’il faut monter sur le lieu de fouilles, quelque 150m plus haut.
Cette balade matinale quotidienne dégourdit les jambes mais pas les langues tant le souffle se fait court avec une aussi rude montée. A mi pente, le soleil a déjà dégagé la plupart des nuages, la chaleur semble vouloir s’installer. Au sommet, une légère brise nous accueille pour nous remercier de nos efforts. Le panorama proposé avec la lumière matinale est sublime.
5mn de récupération… Flo donne les directives du jour, les endroits à fouiller, creuser, défoncer et forme les équipes. Après quoi chacun se dirige, muni des ustensiles adaptés vers son endroit désigné. Laissant les jeunes manier pioches et barres à mine à l’ouest du donjon, les anciens s’en vont du côté opposé avec leurs seaux et leurs truelles pour gratter minutieusement la zone qui leur est impartie.
La matinée est rythmée par le bruit des pics brisant le roc, le crépitement des truelles et le va-et-vient incessant des seaux portés par des bras vigoureux vers le lieu de tamisage.
On s’émerveille à la découverte de la moindre céramique, du plus petit tesson de poterie, on s’extasie de trouver au fond de son tamis un fragment d’os ou un clou de charpente. Plus rare et donc plus appréciée est l’apparition d’une ardoise gravée, d’une applique en bronze dorée ou d’un carreau d’arbalète !
Midi sonne, on n’a pas vu le temps passer, on s’agglutine alors autour du maigre frêne encore debout et, profitant de son ombre réparatrice on partage l’apéritif, les vivres tirées des sacs ou de la glacière, les gâteaux mitonnés par Suzou ou Danielle, le café de Patrick et de Claude.
On papote un peu, on échange beaucoup, certains pensent récupérer avec 10mn de sieste…
Il faut se faire un peu violence pour délaisser le frêne ombragé et reprendre le « travail » à la rage du soleil ! Le rythme est moins soutenu, les seaux semblent plus lourds, les visages en sueur sont de plus en plus maquillés par la poussière qu’un vent tourbillonnant fait s’échapper des tamis. Mais un mur relevé, une lame de couteau rouillée, un fer à cheval mis à jour et le moral est retrouvé. Une atmosphère de ruche s’installe à nouveau, qui fait l’admiration des touristes venus en curieux voir le champ de fouilles.
17h, le moment est venu de tout ranger, bâcher, et récupérer les petits sacs étiquetés avec précision et remplis de notre précieux butin. Comme autrefois les mineurs du Rancié tout proche, nous redescendons maculés et fourbus, mais le sourire aux lèvres, en empruntant les nombreuses sentes qui nous ramènent au village.
Le matériel archéologique est alors soigneusement rangé dans un local. Il attendra d’être lavé puis répertorié pièce par pièce avant d’être livré aux mains des scientifiques.
Il ne reste plus qu’à se souhaiter une bonne nuit et bon courage pour le lendemain qui s’annonce en tous points semblable à aujourd’hui.
Quelques jours passés à fouiller constituent une expérience fort enrichissante sur de nombreux plans :
Il y a bien sûr l’intérêt que l’on porte à l’histoire médiévale en général et à l’histoire de son pays en particulier. C’est toujours un bonheur d’écouter Flo, Nicolas, Hélène ou André.
L’amalgame entre jeunes et moins jeunes contribue également à la réussite de ces journées. Il est rafraîchissant de voir des jeunes « bien comme il faut », avec des têtes bien faites et bien pleines manifester autant d’ardeur et d’enthousiasme à ces recherches.
L’expérience de la vie au grand air et le sentiment de participer à une cause noble ou du moins désintéressée sont aussi à prendre en compte.
Enfin, ce contact très terre à terre avec la nature permet à certains moments d’aiguiser son sens de l’observation.
En voici un exemple : alors que notre joyeuse équipe s’affaire sur son nid d’aigle, il se produit un phénomène curieux : de la vallée, sans que l’on en discerne la provenance, monte un son étrange. Ce n’est ni un bruit ni une musique mais plutôt une sorte de plainte, comme si la vallée en contrebas avait quelque chose à nous dire sans que l’on soit en mesure de comprendre le message. Et c’est bien de cela qu’il s’agit! Le phénomène s’explique de manière tout à fait rationnelle : En fait, les annonces diffusées par haut-parleurs depuis les mairies d’Auzat ou de Vicdessos, font interférences sur les montagnes, écho sur écho, si bien que du haut de notre promontoire les sons arrivent de toutes parts et sont donc parfaitement incompréhensibles.
Voilà pour la logique…Mais…Voyons le côté analogique…
Il est évident que nos sens nous trompent. On parle souvent d’illusions d’optique. Au cas présent, il s’agit d’illusion d’acoustique.
Puisque la production d’un son cohérent devient incohérent sous certaines conditions, pourquoi ce que nous interprétons comme des sons incohérents ne serait-il pas produit de manière tout à fait cohérente à un autre niveau ? Allons plus loin… Le murmure du vent dans les branches ne pourrait-il pas être une voix venue d’en haut que seuls peuvent entendre ceux qui se trouvent en phase avec elle ? Les poètes seraient-ils dans le vrai ? « Que ceux qui ont des oreilles entendent » !
Signé : Jeanne d’Arc…
Pour ceux que les fouilles de Montréal de Sos intéressent, les résultats des campagnes précédentes sont téléchargeables à cette adresse :
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